Hunger Games, de Suzanne Collins
J'avais repéré ce titre il y a maintenant plusieurs mois, et sans rien savoir sur son contenu, les éloges multiples dont l'ouvrage avait fait l'objet avaient attiré inévitablement mon attention. Un tel engouement est rarement synonyme de déception, bien plus d'heureuse découverte, et pour Hunger Games, que l'on classera sans difficulté en effet dans la catégorie 'jeunesse', il n'y a guère à tortiller : ce roman bien conçu fonctionne, et il n'est pas tellement possible d'en abandonner la lecture sans un sentiment de frustration. On est dedans, on y croit, on s'amuse, le temps que l'illusion de la lecture perdure.
Mais une fois qu'on en est sorti, que l'on s'en détache, il faut bien reconnaître malgré tout que ce roman, bien qu'il ne soit pas sans qualité, déçoit - ou me déçoit, parce qu'il lui manque ce que j'appellerais la puissance du désespoir. Il lui manque la folie, la douleur réelle, éprouvée, et par ses personnages trop lisses, trop peignés, il empêche que s'opère ce petit pincement qui transforme le plaisir de lire en plaisir d'en souffrir. On a évoqué sans doute le précédent de Battle Royale, mais dans mon esprit le précédent absolu est à chercher du côté de Marche ou crève (The long walk) de Stephen King, dont je dois bien dire qu'il surpasse - de loin - le trop confortable Hunger Games. L'idée est la même : un jeu dans lequel le seul vainqueur l'est aux dépens de la mort de tous les autres concurrents. Mais chez King c'est encore plus sournois, puisque ce ne sont pas les candidats qui s'éliminent eux-mêmes, et parce que les candidats sont tous volontaires. Alors durant cette longue marche s'élaborent des rencontres, amitiés et inimitiés, et une plongée lente, agonique, dans les méandres de la mémoire et de l'inconscient. Petit à petit, ce n'est plus un jeu, c'est une tragédie, c'est une souffrance abominable, et le happy end attendu peut toujours attendre.
Il est probable malgré tout que je lise le volume suivant, parce que ce n'est pas désagréable ; mais il est bien difficile de rivaliser avec un maître.