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Biais   d'humeurs    ...
26 mai 2009

Black Boy, de Richard Wright

Je crois l’avoir déjà mentionné quelque part, mais je déteste le genre autobiographique. Tout ce qui de près ou de loin s’annonce comme un autoportrait ou le récit d’une vie me déplaît. Je n’avais pas compris d’ailleurs que Black Boy était affilié au genre avant de l’acheter et même de l’ouvrir – sans doute serais-je passée à côté de ce que l’on peut sans doute nommer un classique du genre.

 

blackboyIl va sans dire que cet ouvrage sera conseillé pour son aspect racial, ou la condition des « Nègres » aux Etats-Unis et particulièrement dans le sud. La question Noire est en effet excellemment (forcément…) abordée et pourrait sembler constituer le fondement même de ce récit qui s’étend des premières années d’enfance, à l’accession à l’âge adulte, de l’auteur-narrateur-personnage Richard Wright. Mais eût-ce été l’unique intérêt de l’œuvre qu’elle m’eût assurément déplu. Le talent de l’auteur s’exerce bien au-delà de la mise en valeur de la condition Noire, et se révèle pleinement dans cette peinture juste et incisive de la condition humaine qui propulse l’œuvre dans des perspectives plus vastes, et à la juste mesure de la puissance de cette écriture, qui ne cherche jamais à gagner le lecteur à sa cause. Le narrateur est un jeune garçon noir américain. Je suis une femme française, blanche, plus tout à fait jeune, pas encore vraiment vieille tout de même… et je me suis retrouvée dans ce miroir brûlant tenu à bout de bras. Dans cet enfant qui ne comprend pas encore vraiment pourquoi le monde adulte agit de cette façon. Par l’inconscience qu’il existe plusieurs « catégories » de personnes, pour les autres mais pas pour soi. Dans cette impression constante d’être en porte-à-faux de l’existence… la première période, période de l’enfance toute fraîche encore, commence avec cet incendie à moitié involontaire et la peur, peur d’être découvert au risque d’en mourir – culpabilité éprouvée, au plus profond de soi par l’enfant qui sait qu’il a mal agi mais ne perçoit pas encore les codes qui lui permettrait de comprendre son erreur. J’ai aussi en mémoire cette confrontation avec les membres de la famille, la grand-mère sans amour engoncée dans sa religion, la t ante dont la méchanceté n’a d’égale que sa mesquinerie, et le lent pilonnage de la confiance en soi, de l’estime de soi, contre lequel lutte de toutes ses forces le jeune narrateur qui déjà comprend sa différence. Différence de couleur bien sûr, même s’il ne perçoit pas tout de suite comment l’on doit se comporter face aux Blancs (dont il ne perçoit pas même la couleur ou l’absence de couleur), différence d’âme surtout, qui le distingue des autres enfants, des autres Noirs. Refus fondamental de la servitude, impossibilité d’étouffer en lui la parole qui cherche à jaillir, à comprendre, à trouver en d’autres l’écho de ses propres souffrances et questionnement.

 

Jamais le récit ne vire à l’apitoiement dont à chaque ligne j’aurais craint le surgissement ; jamais le pathétique grossier ne prend le pas sur cette claire conscience, lucide, de ce jeune homme en pleine découverte de ce qu’est le monde, définitivement hostile, et si plein, si riche par ailleurs de promesses, dont l’humour léger se fait discrètement l’écho. Devenir écrivain : voilà une certitude, la seule à laquelle Richard s’accroche de toutes ses forces, pour laquelle il lutte contre cette faim dévorante – de nourriture bien sûr, mais aussi avidité de lire, d’apprendre, de comprendre. Le récit s’achève sur ce départ du jeune adulte vers sa vie nouvelle – non qu’il doive s’attendre à de meilleurs lendemains dans l’immédiat, mais il est parvenu à la pleine conscience de ce qu’il est, fondamentalement. Il est rare que je quitte autant à regret un récit, et surtout un récit de vie. J’avais comme en fond d’écran les images douloureuses et pourtant pleines de joie de La couleur pourpre, et cette émotion indicible, forte et sans larmes inutiles, que provoque en nous la lecture d’œuvres justes.

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Commentaires
L
J'en garde un excellent souvenir mais il faudrait que je le relise (je l'ai lu une fois à la fin de l'école primaire, et une 2e fois pour un cours en 3e... bref il y a bien dix ans maintenant, même un peu plus !). J'ai également prévu de lire "Les confessions de Nat Turner" de Styron, sur une thématique assez proche.
M
oui donne-moi l'adresse et je mets le lien sur ce blog, sinon tu peux entrer l'adresse dans la partie "site web (url)" lorsque tu postes un commentaire :-)
S
Me voilà accro à tes commentaires...<br /> M'autorises-tu à faire un lien vers notre blog de lycéens?
G
au fait, tu es concernée par mon dernier billet sur mon blog.... :D
M
--> Alwenn : j'imagine qu'en anglais l'oeuvre doit être vraiment appréciable; en tout cas la traduction que j'ai est plutôt bonne et sert bien le récit.<br /> --> stephie : j'espère que tu y trouveras autant de plaisir que moi; un récit conséquent (quelques 300 pages) mais qui se lit vraiment bien.<br /> --> Eloah : oui cela me donne envie de découvrir d'autres livres de l'auteur tellement j'ai été charmée.<br /> --> Gio : je le conseille à mes secondes/premières bons lecteurs à cause de la longueur, je pense que c'est trop long et trop difficile pour des collégiens quand même.
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