Petits suicides entre amis, d’Arto Paasilinna
Après
Le Lièvre de Vatanen, évoqué dans un
précédent billet, je me suis laissée tenter par d’autres romans de cet auteur
finlandais, dont l’écriture lisse, laissant le lecteur effleurer seul les
aspérités du monde, m’avait séduite.
J’ai
retrouvé dans Petits suicides entre amis
la même jubilation, frénétique, de l’écriture (on entend presque l’auteur rire
en deçà de ce qu’il raconte, pour ainsi dire dans la barbe des mots), et un
identique bonheur de lecture. Pourtant,
le sujet semble sinistre : un homme, las de ses faillites successives,
prend la décision de mettre fin à ses jours. Muni de son pistolet, il cherche
un coin isolé et jette son dévolu sur une vieille grange… là, il surprend un
autre homme, occupé à…se fabriquer un nœud coulant ! et tout le génie de
Paasilinna tient ici, en quelques lignes, à cette improbable réunion,
catapultage, de situations incongrues, qui de leur potentialité tragique
basculent tout à coup dans la joie.
Et Paasilinna s’amuse : il s’en donne à cœur joie, pousse les situations à
l’extrême, sans jamais s’attacher à ses personnages – qui ne demeurent que de
papier, réceptacles du monde dont ils sont les simples signifiants ; sans
jamais trop s’en éloigner cependant non plus : il faut que la complicité s’installe.
Comme avec Vatanen, l’histoire ne peut se passer d’un déploiement géographique,
et la conduite du récit s’accompagne au sens propre d’une conduite, à travers
la Finlande, puis l’Europe tout entière (sans oublier la France), d’un autocar
empli de suicidaires. Réflexion sur la mort ? sur le suicide ?
peut-être. A mon sens, c’est encore là cependant surtout une réflexion sur la vie, une célébration de la vie, du rire, de la construction d’un bonheur qu’il
faut quêter, qui ne se donne pas de soi-même, et que pourtant les moindres
recoins du monde abritent, pour peu que l’on sache l’y débusquer.