Il y a quelques semaines, je m'inscrivais au défi

qui propose aux blogueurs de chroniquer à la fois un livre et son adaptation au cinéma. Sur ce blog sont déjà parus quelques billets de ce type, mais dans aucun je n'avais proposé une critique commune. Pour inaugurer cette série, j'ai choisi de revenir sur un des romans que j'ai sans doute le plus lus dans ma vie, Le Parfum de Patrick Süskind.

Ce roman dont l'histoire n'est plus à présenter a souvent une réception radicale : on aime, ou on déteste sans réserves. Je fais sans nul doute partie de la première catégorie, tant j'ai été fascinée par l'écriture de ce récit, dont je ne possède que la traduction, mais qui fait partie de ces ouvrages qui font sentir, toucher, palper, écouter l'objet dont ils s'emparent. Page après page, j'ai toujours été avec ravissement plongée dans le monde des odeurs et la fabrication minutieuse des parfums ; je m'enferme avec Baldini dans ce petit bureau où, sur un mouchoir imprégné, il tente de recomposer, passage après passage, la formule d'Amor et Psyché ; je crois presque sentir entre mes mains les pommades odorantes, et tout cet univers de la conception même du parfum me fascine à chaque lecture. Mais pas seulement : le personnage principal, même si je ne peux dire évidemment que je l'apprécie, me fascine tout autant par sa froideur et l'implacable déroulement de sa destinée ; dès ses origines même l'on ne peut le plaindre, mais c'est moins le personnage qui nous dégoûte que le monde grossier dont il nous renvoie comme l'envers du décor, et l'on ne peut s'effarer complètement de ce qu'il fait, pense ou provoque chez les autres. Terrible ambiguïté du meurtrier qui révulse et sidère tout à la fois. Je n'ai souvent regretté dans ce roman que sa chute finale, certes conforme à l'histoire qui la précède, mais presque décevante dans sa volatilisation même, comme évitée, contournée, écartée par l'auteur...

Le Parfum, de Tom Twiker (2006).J'attendais avec impatience le moment où je pourrais voir l'adaptation de ce roman si parcouru, et le redoutais à la fois car j'étais presque sûre d'être déçue. Et finalement, la surprise vint du plaisir assez net que j'ai pris à la voir. Je passe sur le début du film, très conforme au début du roman, où l'on voit la mère de Grenouille accoucher de son fils au milieu d'un banc de poissons puants. Toute une éducation des réalisateurs est à faire en matière de représentation des accouchements, qui entretiennent dans l'esprit des femmes qu'on ne peut spontanément donner naissance que sur le dos en se tenant les jambes en l'air, mais que voulez-vous, cela est si enraciné dans les consciences qu'ils n'ont même pas l'idée qu'il puisse en être autrement... Mais pour le reste le film est plutôt cohérent, élaguant nécessairement des pans entiers du roman, mais gardant une intrigue qui renoue avec des passages-clés de l'intrigue. Aussi - et je m'y attendais bien ! - la scène générale de jambes-en-l'air, en plein air ! est-elle bien évidemment soignée, mais arrive à éviter la vulgarité et à acquérir une certaine esthétique. Cette esthétique générale sauve d'ailleurs le film, à mon avis, d'une certaine pauvreté par ailleurs dans la création, tant le film se veut fidèle à des éléments essentiels. Cependant la nouveauté vient de l'humanisation du personnage principal. Je m'y attendais aussi, mais je dois dire que cela fonctionne plutôt bien et que l'on s'y laisse prendre. L'ironie grinçante, mordante du roman disparaît, mais on y gagne une humanité et une certaine poésie qui fait que l'on pourrait presque s'attacher à lui. Le manque d'amour, voilà ce qui expliquerait tout... mais nous savons trop bien que ce n'est pas le cas, et c'est un peu facile.... Je reste ainsi sur une impression qui pourrait sembler mitigée, mais m'oblige à bien séparer l'un de l'autre. Je pense que je relirai encore le roman, je reverrai aussi le film... deux univers différents, finalement, avec peu de liens si ce n'est le prétexte de l'adaptation.

Le Parfum, le livre et le film

Partager cet article