Vous faites sans doute encore partie de ces lecteurs naïfs, qui pensez qu'un livre se lit tandis que l'on est confortablement installé dans un fauteuil, un canapé ou un lit, une boisson idyllique à portée de main, - ou encore dans le train, le métro, plus ou moins assis sur une banquette inconfortable. Mais, bonnes gens, ce temps-là est révolu ! place à l'ère du numérique, de l'interactif, ou ce que vous ne pouvez pas lire, on vous le montre. Désormais vous ne pourrez plus lire sans une connexion internet à portée d'i-phone. Tel est le pari d'une innovation inouïe d'Anthony Zuiker à l'occasion de la sortie de son thriller en binôme dans vos mains et sur Youtube, principe qui ne manquera pas, j'en suis sûre de vous séduire.

Attention, il est de mon devoir de vous en avertir : ne lisez pas ce billet si vous avez l'intention de lire l'ouvrage. Je ne m'apprête pas bien entendu à vous révéler les tournants de l'histoire, mais je ferai sans nul doute allusion à des éléments qui potentiellement pourraient vous gâcher le peu de plaisir que vous pourriez y prendre.

L'idée n'est à la base, pas mauvaise, et même séduisante : c'est en partie pour cette raison que j'avais manifesté sur Blog-o-book mon souhait de participer à ce partenariat avec les éditions Michel Lafon. L'histoire se déroule normalement, et ponctuellement, assez régulièrement, un mot de passe est donné au lecteur, qui se rendant sur le site de Level26 peut ensuite débloquer une video et avoir accès à un complément de l'histoire. Je dis bien un complément, car on peut sans problème lire le livre sans aller visionner les extraits, ce qui est sans doute une des premières faiblesses du système, car l'on n'en saisit plus exactement l'intérêt. Venons-en donc plutôt à l'histoire, ou plutôt au scénario. Un psychopathe complètement malade mental accomplit les crimes les plus atroces et il est donc le seul à avoir été classé au niveau 26, sur une échelle classant les meurtriers les plus horribles, qui jusque-là ne comportait que 25 niveaux. Et il filme tout ça et l'envoie à la police, donc le premier mot de passe a de quoi faire frémir le lecteur puisqu'on lui propose de visionner ce film. Et là on tremble, on se dit mon Dieu mon Dieu que vais-je voir c'est horrible. Alors, comme cela fait partie du jeu, on regarde, et là ça fait flop. D'abord il n'y a aucun sens narratif dans cet extrait : on est censé voir ce que filme le tueur mais on le voit lui de l'extérieur, tout cela en alternance avec des visions "noir et blanc enneigées" pour faire vieux film, et finalement, on ne voit rien du tout, le lecteur a eu peur mais on ne lui infligera rien qui puisse l'empêcher de dormir. Et cela continue ainsi tout du long. Et plus on avance, plus franchement l'intérêt des videos se restreint, si bien que j'ai fini par ne plus aller les regarder à certains moments.

Parallèlement à cela, l'histoire devient de plus en plus ridicule et pleine des pires clichés. On ne peut pas refaire Seven alors on le refait quand même mais déguisé. Le vieux flic à qui on met bien la pression, le jeune qui s'est retiré car trop traumatisé mais qui va revenir quand même, les meurtres qui n'ont pas de sens, oh mais si en fait il y en a un, le tueur ne fait jamais d'erreurs, et blablabla. Le pompom, qui fait que j'ai tout de même éclaté de rire alors que j'étais censée, j'imagine, frémir et m'horrifier, est l'une des vidéos finales, l'une des "culminantes" j'imagine (et elle l'est, oh oui !) où le tueur himself décide de faire accoucher une des protagonistes. Alors Mesdames, qui avez peut-être dépassé le terme, ou n'avez plus su quoi faire pour décider cet enfant à sortir de là et à vous libérer - tant la fin de grossesse peut parfois être pénible - je vous le dis tout net, la solution est ici toute trouvée. Il suffit qu'un tueur en série vous capture, vous fasse marcher un peu sur une jambe cassée, vous donne de l'huile de ricin - soit dit en passant il n'y a rien de plus nocif pour un accouchement que cela, mais passons - quelques graines, et voilà, miracle ! les contractions arrivent ! et ce n'est pas tout : vous souffrez quelques minutes, bon, et puis vous poussez 2, 3 fois et ça y est ! un nourrisson potelé d'au moins 2 bons mois arrive sans encombre, c'est absolument magique et merveilleux. Je n'ai jamais rien vu/lu d'aussi consternant. La suite est à la hauteur et tout cela se termine sur une pseudo-chute à faire frémir un escargot dans sa coquille.

L'ambition affichée est d'attirer les jeunes générations qui se seraient détachées de la lecture... alors on met ce qui est censé leur plaire : du super gore, du pervers, du macabre, du dégoût. On fait dans la surenchère : que pourrait-on bien imaginer d'atrocissime ? Je suis curieuse de savoir si ce livre sera un succès de librairie... (et bien sûr une suite est déjà prévue, en mode interactif toujours !) en tous les cas, je ne peux pas cautionner un ouvrage aussi médiocre, et j'en suis bien désolée, car j'étais vraiment curieuse et ouverte à la nouveauté du procédé. Je remercie Blog-o-book d'avoir organisé ce partenariat, ainsi que les éditions Michel Lafon.

Si vous voulez d'autres avis, je vous invite à aller chez Neph ou Stephie, Karine :), Celsmoon, Géraldin, Leiloona.

Level 26, de Anthony Zuiker

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