Ceux qui ne mentent jamais, de Thierry Maricourt
C'est avec curiosité mais peu de conviction que j'avais sélectionné cet opus parmi la multitude de ceux que Babelio proposait dans son opération Masse critique de la rentrée littéraire. De ce dont il s'agit, il faut à peine quelques lignes pour le comprendre, et la quatrième de couverture ne laisse pas planer de doute ou de suspens : décortiquer l'affaire judiciaire fameuse qui a fait tant couler d'encre pendant plusieurs années : "On se souvient de cette sale affaire qui a secoué la France au tournant des années 2000. Des adultes, en nombre, accusés d’inceste et de pédophilie dans une petite cité, quelque part dans une petite ville. On se souvient de la juste indignation qui avait soulevé les médias dans leur ensemble, écho de la réprobation de chacun d’entre nous. On se souvient que le monde judiciaire avait tenu à accompagner cette réprobation et qu’il s’était montré d’abord particulièrement sévère. Les faits dénoncés étaient affreux."
Peu enthousiaste finalement à l'idée de lire un récit de fait divers - et surtout celui-là - je dois avouer que le livre n'aura pas tenu 24 heures entre mes mains. Mais pas parce qu'il en est tombé : au contraire, lu d'une traite ou presque, il m'a étonnamment surprise par la sobriété de son écriture, son absence de délayage du sordide ou supposé tel, et son efficacité. J'avais, comme tout le monde, entendu parler de "l'affaire" mais ne m'y étais pas intéressée de près. Je n'ai pas de goût pour les tabloïd. Mais ici il s'agit d'une reconstitution assez minutieuse de la façon dont, hasard ou bonne, mauvaise volonté, on en arrive à déformer, outrageusement traduire, interpréter des propos, faire basculer des existences entières. Scrupuleusement et pas à pas, les mécanismes sont mis au jour, ceux qui se sont joués en sourdine, ceux qui ont insidieusement pénétré les esprits sans que rien ne vienne y faire obstacle. Il suffit d'un mot et tout est dit ; tout est joué.
À la limite du roman, de l'enquête ou de la contre-enquête, le récit progresse linéairement, entrecoupé par moments de passages en italiques signalant l'intrusion d'une voix narratrice dont on ne connaîtra l'identité qu'au terme du livre. Cette partie-là m'a moins convaincue et sent son artifice. Pour le reste, c'est une lecture intéressante, et si je craignais par moments que la conclusion aboutisse à systématiquement mettre en doute la parole des enfants, j'ai été plutôt rassurée de constater qu'il n'en était rien. Il s'agit plutôt de démontrer quel réel travail l'adulte doit opérer pour que justement, les paroles d'enfant gardent leur statut de véracité et soient prises au sérieux - et méritent investigation, comme toute parole.
Merci à Babelio et à l'éditeur partenaire.