Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Biais   d'humeurs    ...
13 juin 2010

La solitude des nombres premiers, de Paolo Giordano

9782020982603FSImpossible pour moi d'écrire un billet dans la foulée de cette lecture si particulière, pour un roman dont je savais qu'il avait été maintes fois commenté, sans en savoir, comme à l'accoutumée, bien davantage. J'en avais presque oublié le titre lorsqu'au détour d'un rayon cette couverture familière, qui m'émeut déjà sans trop que je sache vraiment pourquoi, me rappelle qu'il s'agissait sans doute là d'une rencontre à ne pas manquer.

Et en effet dès les premières pages l'on plonge dans une solitude particulière, et c'est ensuite en alternance que l'on suit le cheminement des deux personnages, ying et yang inversés dans leur propre chemin de croix, jusqu'à leur rencontre dont on pense en effet qu'elle est inévitable. Mais elle est inévitable par une sorte de nécessité interne, comme une fatalité intime qui les lie et les fait se retrouver, singulièrement, et en même temps dans l'une des situations les plus universellement connues, ce moment de l'adolescence où le fait d'appartenir à un groupe relève de la gageure, et du dédain de soi, de cette cruauté intime qui nous saisit au plus profond de nos souvenirs.

Deux destins qui se croisent mais semblent en réalité plus s'effleurer, comme par crainte de se toucher vraiment, et se rejoignant malgré tout en boucles régulières, sinusoïdes implacables mais au croisement desquelles on tremble toujours un petit peu, soit que la séparation devienne effective, soit que la réunion se fasse enfin de manière presque trop accomplie. Et c'est là aussi que le roman réussit à nous surprendre, alors que l'on se dit peut-être qu'il ne peut y avoir qu'un happy end programmé. Rien n'est jamais certain, définitif, rien n'est jamais figé, et les mouvements de la pensée, de l'indécision de l'être, restent les seuls maîtres du jeu, et à l'image des premières scènes, nous guident juste à tâtons dans un univers dont on ne soupçonne pas le gouffre, peut-être juste devant nous, peut-être à peine effleuré sur le côté.

Un roman d'une grande pudeur, dont la souffrance contenue se laisse sentir à chaque mot - et c'est là que j'aimerais tant lire l'italien pour en apprécier toute la saveur, d'une langue dont on ne s'imagine pas lui associer le terme de pudique...  En quelques heures, cette petite portion de mon univers s'en est trouvée emportée, face à un récit si personnel, et qui résonne en même temps de manière si universelle.

D'autres avis, que j'imagine nombreux, sont certainement chez BOB.

Publicité
Commentaires
M
je l'ai lu récemment ... et ça m'a beaucoup fait réfléchir sur la liberté de parole, qu'est-ce qu'on ose dire ou pas sur soi, sur ce que l'on souhaite ... que se passe t'il si on ne le fait pas ? si on tente ou pas un geste vers l'autre. <br /> sinon ton billet est très beau.
M
J'étais aussi très hésitante au début car je n'avais pas envie d'une lecture déprimante. Mais ça ne l'est pas du tout, ce livre fait partie je pense, de ceux qui arrivent à parler de tristesse sans faux apitoiement ou larmoiement excessif. De solitude mais avec beaucoup de pudeur, décence. Je crois que de manière essentielle le début donne le ton, après on continue, ou pas... (mais c'est dommage de s'arrêter).
L
J'hésite à m'embarquer dans cette lecture qui a pourtant séduit tant de monde... Je crois que j'ai un peu peur de la tristesse qui semble s'en dégager... ;-)
T
Comme Leiloona, voilà un moment que j'hésite...
L
Je ne connais pas ce livre, mais ton billet est très beau!
Publicité
Derniers commentaires
Publicité