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Biais   d'humeurs    ...
23 novembre 2009

Le Soleil des Scorta, de Laurent Gaudé

Comment revenir à un auteur dont on a tant aimé la première oeuvre lue ? Comment prendre le risque de ne pas voir le charme à nouveau opérer, de ne pas être emporté là encore comme par une brusque vague de plaisir, page après page ? Et comment, cependant, résister à la tentation d'ouvrir un nouvel opus, de retrouver l'univers si particulier, si propre à un auteur que l'on a découvert avec une réelle émotion ? 

scortaaTelles étaient les interrogations qui m'ont accompagnée tandis que je m'apprêtais à emprunter, enfin, Le Soleil des Scorta, dont le titre me fascinait déjà, mais pas autant que le nom de son auteur, dont j'avais découvert récemment La Mort du Roi Tsongor avec tant de ravissement et de bonheur. De Gaudé, j'avais eu le temps depuis de parcourir deux nouvelles au détour de préoccupations pédagogiques. J'y avais retrouvé l'écho lointain d'une voix, à laquelle la dimension réduite de la nouvelle toutefois ne permettait pas de réellement résonner. Je me promettais de longues minutes de délices - et puis, c'est tout de même un prix Goncourt ; je m'en défie souvent mais là je ne pouvais qu'accorder au jury par avance le bénéfice d'une heureuse lucidité.

Seulement voilà. Parfois il est des auteurs desquels on commence par lire peut-être le meilleur, et dont il nous semble ensuite finalement, que les oeuvre suivantes ne sont plus que la pâle, légère redite du bonheur initial. Telle fut pour moi la lecture du début du Soleil des Scorta. J'y ai retrouvé, assez vite, la tonalité que j'avais appréciée dans La Mort du roi Tsongor, mais l'écriture quasi incantatoire, par redite, m'a trop rapidement agacée. Pourtant les noms se prêtent volontiers à une mythification quasi instantanée des personnages, et l'histoire se laisse suivre avec un relatif plaisir. Certains passages sont magnifiques - je ne peux le nier, je reste malgré tout sensible à cette particulière tournure d'écriture de Laurent Gaudé, et l'émotion fonctionne parfois à plein - mais les ficelles de temps à autre, se laissent entrevoir, me font sourire ou m'irritent... Certains mots mêmes réussissent à me gâcher le plaisir de la lecture, comme le tabac, ou le bureau de tabac, dont la tonalité et le référent prosaïque m'ont paru si mal s'accorder avec la lente et hypnotisante spirale du récit.

Le début est mené de main de maître : écrasés de chaleur, cheminant lentement avec le personnage qui s'avance, nous sommes plongés au coeur des Pouilles et l'on peut même sentir sur le palais la sécheresse âcre des pierres. Tous les passages relatifs d'ailleurs à la chaleur, l'étouffement, la sécheresse et la dureté de la pierre, sont intensément menés - de même les épisodes nocturnes sur la barque, au coeur de la nuit et sous le ciel étoilé, lorsque nous accompagnons Donato dans sa quête éperdue de solitude... de beaux moments, dans lesquels on sent l'auteur vivre, revivre d'intenses souvenirs, sans nul doute. Il n'en est pas de même pour les tentatives des Scorta d'aller à New York, ville dont le nom même sonne au coeur du roman comme une fausse note.

Cette saga familiale qui n'en est pas une me rappelle lointainement les Cent ans de solitude que j'ai tant aimé dans les lectures de ma jeunesse étudiante, mais n'en a ni la complexité ni la profondeur - je reste dans l'expectative, mesurant l'immense potentiel de la narration et de la voix qui m'avait ravie, curiosité et attente jamais totalement comblées ; je reste sur ma faim, oui, un peu déçue, toujours au bord du bascul dans cet ancien ravissement, jamais complètement retrouvé. Reste à savoir si Eldorado, posé en équilibre léger au sommet de la pile de livres qui tentent chacun d'emporter la place réservée au prochain billet, saura me faire pardonner à l'auteur cette déception plutôt inattendue.

 

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Commentaires
M
--> Dolly je te conseille très vivement et chaleureusement Le roi Tsongor ! je vais voir ton tag (même si je ne suis pas très fan...)<br /> --> Belle je suis entièrement d'accord avec tout ce que tu écris ;-)<br /> --> Stephie et Leil : Cela m'intéresse d'avoir votre sentiment, je ne voudrais pas vous freiner... je n'arrive pas vraiment à être objective à vrai dire, mais l'auteur fait toujours partie de mes favoris malgré tout.
L
Argglle ! J'ai vraiment été embarqué par "La mort du roi Tsongor", et si je n'ai pas lu celui-ci, c'est justement de peur d'être déçue. :/
S
J'ai lu "La mort du roi Tsongor" et "la Porte des Enfers" que j'ai beaucoup aimés. Celui-ci est sur ma PAL depuis quelques mois déjà ;)
B
Tout comme toi j'avais largement préféré "La mort du roi Tsongor" que j'avais lu en premier d'ailleurs et qui avait été un gros coup de coeur. Cependant, Laurent Gaudé écrit vraiment très bien aussi dans cet ouvrage là. Si j'ai moins accroché c'est plus parce que l'histoire en elle-même n'était pas extraordinaire (en tout cas pour moi).
D
Je l'ai lu il y a longtemps et j'étais tombée sous le charme ; ton billet me donne envie de le relire pour voir si comme tu dis "le charme opère encore". Sur ma PAL figure La Mort du roi Tsongor, tu me donnes envie de le lire rapidement ! <br /> (PS : Aloysa, sache que je t'ai tagguée sur mon blog !!!).
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