Gorges rouges, de H. M.
Sortant du visionnage de Hard Candy et attirée par son titre accrocheur, je me suis laissée tenter par la lecture d'une oeuvre dite de "littérature jeunesse", catégorie que je fréquente peu pour en avoir été beaucoup déçue, Gorges Rouges de Hervé Moisan, dit H.M. sur la couverture, ce qui ne laisse pas d'intriguer encore davantage.
L'intrigue justement, la quatrième de couverture et les premières pages sont sympathiques : un jeune lycéen est le témoin involontaire d'un meurtre en plein milieu de la journée, au coeur même de son lycée, et il s'agira pour lui de découvrir le meurtrier tout en essayant d'échapper à ses coups de rasoir qui ne cessent de faire davantage de victimes. Ce récit assez court se laisse lire sans difficulté, d'un oeil lointain et comme peu attentif, et même si l'issue est prévisible à des kilomètres, il maintient une tension continue qui devrait sans nul doute plaire à de jeunes lecteurs. Cependant le ton léger, joueur, décomplexé et comme en-deçà des faits narrés ne m'a pas paru vraiment en accord avec la violence des meurtres, leur haute fréquence et la banalité apparente que tout le monde semble y trouver; il y a quelque chose de faux et d'artificiel dans le vocabulaire "type jeune" que le jeune narrateur bien entendu emploie (mais l'écrit-on vraiment comme on le parle ?), comme une volonté à tout prix de séduire, de brancher... dont je ne suis pas persuadée que les jeunes lecteurs effectivement aient besoin pour être conquis par un récit (et le succès de Harry Potter semblerait le prouver). Si l'histoire est bonne, si le style est bon, nul besoin de réclames à chaque détour de phrase, de gyrophares stylistiques clamant bien haut et fort l'appartenance du récit à la catégorie "jeunesse".
Dépourvu de toute psychologie, ce jeune narrateur n'est qu'un fil, une enveloppe bien conforme qui se contente de déployer l'intrigue sans introspection ni ébauche même d'une vraie réflexion sur l'amitié ou la mort, ou encore l'amour : tout s'y trouve, et rien ne s'y déplie, rien ne s'y ancre ni ne s'y amorce. Pas même de parodie dans le ton volontairement et bizarrement enjoué : une série de clichés proprement calibrés s'entrelacent sans heurts ni vagues. Je pensais à Scream en écrivant cette dernière phrase et à sa terrible efficacité, parce que la distance prise avec la violence n'occultait jamais pour autant la violence elle-même, c'était à la fois un vrai film d'épouvante et une parodie savoureuse du genre. Dans Gorges rouges, la violence des meurtres donne sa couleur et sa justification au titre, mais ne s'accompagne de rien sur quoi elle puisse se justifier; pur ressort narratif destiné à donner sa petite touch "gore" à un récit destiné aux ados, il atteint sans doute son but immédiat mais ne laisse à l'esprit ni amertume ni horreur.
Une chute consensuelle, sans surprise ni saveur - le héros vivra heureux, longtemps et aura beaucoup d'enfants. Dommage.