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Biais   d'humeurs    ...
21 décembre 2008

Grand corps malade ou la voix enfin redonnée à la poésie moderne

Quand j’ai entendu les textes de Grand corps malade au début de sa médiatisation, je n’ai pas du tout aimé. Non que je puisse renier la qualité de ses textes ou de la musique, mais je commençais à en avoir assez de ces pseudos « chanteurs » avec leurs jeux de mots à tout va, se prétendant poètes et incapables de rivaliser –loin s’en fallait – avec la poésie telle que je la concevais, celle qui ne se contente pas de jouer avec le langage mais en fait le support d’une pensée et le matériau privilégié d’une réflexion. Je n’ai pas aimé, parce que je n’ai pas voulu écouter. J’ai cru que son slam était le même que celui des autres. Je dois bien ici faire amende honorable (d’autant plus que je viens d’acheter le dernier album, moi qui ne dois acheter qu’un ou deux CD par an grand maximum…) ; je me suis bel et bien trompée.

Il y a parfois dans les textes de Grand corps malade cette tentation du jeu de mots pour lui-même, de la fioriture décoratrice, mais à y regarder de plus près elle n’est jamais qu’anecdotique et participe pleinement à la réjouissance retrouvée du langage.  On n’a pas toujours l'même dictionnaire mais on a plus de mots que vous. Je n’ai pas besoin de regarder les textes de Grand corps malade pour m’en souvenir, et c’est déjà là pour moi un bon indicateur de l’impact puissant que son flow (sacrifions au vocabulaire critique nécessaire !) a eu sur moi. Ce n’est pas seulement par l’utilisation ludique que le chanteur fait du langage que son art me séduit ; le bonheur de la rime opère parfois à plein, mais j’y trouve également plaisir même lorsque je précède de ma pensée sa découverte. Ce n’est pas non plus par l’utilisation adéquate d’une musique volontairement sobre et expressive, qui ne fait pas redondance par rapport au texte, ni simple ornement – pleine et légère, elle accompagne véritablement le texte et le laisse éclore – malgré tout, l’on pourrait s’en passer. Car c’est dans le silence, véritablement, que les mots et la voix donnent leur pleine puissance ; dans ces pauses savamment ménagées, dans l’accord parfait qui réside entre le texte et la parole qui la prononce. Qui pourrait mieux que son auteur prononcer ces phrases arythmiques parfois, au point que l’écoute devient parfois inconfortable, tant le dire nous bouscule dans les habitudes bien cloisonnées que nous avons de la musique ? Certes, l’on apprécie pleinement la voix de basse, si modulée et chaude, souriante même dans ses accents de désespoir léger, mais plus encore la modulation, justement, de cette parole à laquelle elle ne prête finalement que sa musique.

On ne peut pas écouter Grand corps malade comme on écouterait n’importe quel autre auteur de « rap », car l’audition demande une telle concentration – intellectuelle, non d’effort- que bientôt l’esprit demande un peu de repos, pour mieux profiter de ce qu’il vient d’entendre, et laisser se poursuivre en pensée la réflexion poétique amorcée – en silence. Mais pas ce silence vide qui suit l’absence de musique et n’aspire qu’à être comblée (ce silence même qui suit la lecture de certaines œuvres prétendument modernes et qui prend une tonalité consternée) ; au contraire, ce silence est empli d’un fourmillement de pensées électriques, et soudain me fait respirer l’air différemment. Et prendre à nouveau confiance dans une nouvelle littérature.

Ecoutez des extraits ICI

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Commentaires
S
Je n'ai lu que deux de ses textes et je n'ai pas vraiment accroché. J'essaierai d'écouter et reviendrai te donner mon avis.
M
notamment pour deux des textes (je n'ai pas encore écouté dans le détail l'intégralité de l'album), "pères et mères" et "le calvaire sévère du poète..." qui m'ont plus semblé relever de "l'exercice de style" que de la composition à proprement parler. Mais ensuite j'ai regardé Queneau et je me suis rappelée qu'après tout l'exercice de style pouvait également être création.
V
......par les mots, Grand corps malade sait très bien le faire et il a une voix qui met en valeur ses textes - J'aime beaucoup et je me souviens que lorsque je l'ai entendu la première fois, je me suis dit : Là, c'est une vraie découverte, un poète de notre temps, il va marquer les mémoires - Mais (car il y a toujours un mais qui traîne) il doit faire attention de ne pas tomber dans une certaine ritournelle des mots - Dans ses dernières créations, j'ai senti une certaine facilité routinière -<br /> <br /> Valériane.
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